Le petit cabinet jeté entre les autres boutiques, la petite porte à côté de laquelle figure une unique plaque, preuve de sa réussite affirmée mais bien incertaine par ses maigres capacités de défense, a été peinte en bleu pâle. Elle s'était levée en pleine nuit pour le faire, n'arrivant pas à dormir. Son humeur était à moitié passable quand elle s'est rendue au travail, tourné la poignet et vérifié que personne ne l'attendait derrière. Avant, Bonnie n'aurait pas fait plus que de refermer la porte et d'ôter sa veste sa veste à fins carreaux, mais aujourd'hui et ce depuis quelques temps flous, l'irrémédiable besoin de savoir si elle est seule ou non est présent. On peut la comprendre après ce qui s'est passé - ou pas, car elle ne s'en souvient pas. Mais son corps lui seul continue de traverser ce souvenir, de le garder au creux de ses coudes, au plus profond de son cou, et peut être un peu dans son cœur qui bat pour un rien et qui tressaute au moindre bruit. Sans qu'on ne s'en rende compte, sa respiration s'était mise sur pause quand sa main hésite sur l'interrupteur, avant de se résoudre à l'actionner ; le soulagement est immense quand la jeune femme se rend à l'évidence qu'elle est seule. Mais le pire, c'est qu'elle ne sait pas ce dont quoi elle a peur, ce qui la terrifie au point de la glacer dans les rues en coupe-gorge, dans les coins de pénombre et simplement les instants anxiogènes. Vaut mieux qu'elle ne sache pas. Il est 9h00, quand son cartable en cuir clair trouve sa place sur son bureau mal rangé, à côté d'un vase bancal qui tient une rose morte. Elle oublie toujours d'arroser ses plantes, mais jamais d'en acheter. Un chocolat chaud de fait, une chemise bleu clair réajustée d'une manière qui crie autant 'je suis une professionnelle' que 'je regarde des séries romantiques à longueur de nuit, et j'espère que vous tomberez amoureux de moi'. Son pathétisme habituel est présent, donc. Les dossiers des affaires en cours sont dans un coin de sa tête, feuilletés entre ses doigts, se remuant le cerveau sur des détails qui peuvent paraître peu importants, mais qui à ses yeux font toujours la différence.

'You are the one, for me, for me, for me véritable...' Des paroles de chanson approximatives, chantées du coin de la bouche, la main traînant encore sur l'anse de la tasse déjà refroidie. Les lèvres bougent encore, l'esprit cavale très loin quand la porte de son cabinet s'ouvre sans qu'elle ne l'entente. Bonnie est trop occupée avec elle-même pour entendre le carillon tinté, et puis même elle n'attend personne aujourd'hui donc elle ne prête attention à rien. Son carnet de rendez-vous est vide, et sa journée doit simplement se consacrer à la résolution de problèmes qui ne la lassent jamais. Mais quand elle verra dans l'embrasure de son bureau coquettement décorés de plantes à moitié mortes et de tableaux kitchs et dénués de réels goûts pour l'art, l'avocate de pacotille aura un sursaut. Le bout d'un stylo est glissé entre ses lèvres, les jambes croisées et l'air encore absorbé.