Arrogance has to be earned
...the fact that the sexual pleasure center of your cerebral cortex has been over-stimulated by spirochetes is a poor basis for a relationship. Learned that one the hard way. - House M.D.
La scène courte qui suit se déroule dans un bureau à la fois chic et sobre. Les meubles sont en bois, il s’agit d’un bureau quelque peu isolé dans un coin de la pièce et de plusieurs chaises et fauteuils au centre, occupant tout l’espace. Il n’y a pas d’objet personnel, juste un tableau avec une peinture abstraite.
Une femme blonde d’une quarantaine d’année consulte un carnet à la reliure en cuir avant de se lever et d’ouvrir une porte qui donne sur sa salle d’attente.
« Entrez donc monsieur Graham »
Maxwell se lève de sa chaise après avoir rangé son téléphone dans la poche de sa veste. En serrant la main de son hôte il formule les actuelles salutations et politesses nécessaires lors d’une rencontre. Une fois dans le bureau, il ne peut s’empêcher de balader son regard dans la pièce avant de hausser les épaules et de s’asseoir dans le fauteuil le plus au centre de la pièce.
« Qu’est-ce qui vous amène ? »
Le ton de la femme est doux, convivial et son air donne envie de lui faire confiance. Quant à Maxwell, il a l’air habituel de subir chaque seconde de sa vie. Une moue vient montrer qu’il n’apprécie vraiment la situation.
« Vous savez très bien. Ma mère se sent obligée de se mêler de ma vie et m’a forcé à venir vous voir après vous avoir tout raconté. Donc, pas besoin de faire l’innocente. Je viens une heure et je vous file 100 balles. Ma mère est contente, vous payez votre prochaine voiture et moi je perds mon temps à raconter des anecdotes pour que vous les analysiez. »
La psy se renfonce un peu dans son fauteuil. Son regard montre l’intérêt qu’elle porte pour ce nouveau patient quelque peu belliqueux.
« Vous n’êtes pas obligé d’être ici. Vous pourriez tout simplement dire non à votre mère. »
« Et si on passait aux choses sérieuses ? On fait quoi ? Je vous raconte ma vie, vous répondez avec des citations inspirantes et je fais semblant d’avoir trouvé l’illumination ? Est-ce que vous savez que, mathématiquement, il y a plus de 99% de chance que je sois plus intelligent que vous ? »
Maxwell semble particulièrement motivé pour cette première séance. Evidemment, il est là pour faire plaisir à sa génitrice mais, ne peut s’empêcher de se montrer désagréable, convaincu qu’il peut réussir à saboter le rendez-vous. Après tout, s’il se fait virer, sa mère ne peut pas dire qu’il n’a même pas essayé. Si ? Néanmoins, la psy ne semble pas marcher dans son jeu et garde un calme olympien. Elle répond toujours très posément sans le moindre signe d’agressivité.
« Les séances peuvent se dérouler comme bon vous semble. Nous pouvons parler de sujets qui sont très importants pour vous comme de sujets plus futiles. La parole est le plus important. Nous ne sommes pas obligés de parler du sujet qui est à l’origine du conflit avec votre mère sur votre présence ici. »
Le regard de Maxwell change à ces derniers mots. Il n’est pas à l’aise avec l’idée de parler avec une inconnue de la maladie de Huntington qui possède sa mère. Encore moins du fait qu’il ne veut pas faire le test. Maxwell Graham restant Maxwell Graham, il se sent obligé de répondre avec un certain cynisme. Un petit sourire en coin apparait sur ses lèvres, donnant à son visage un air presque maléfique.
« Ce n’est pas comme si venir ici devait servir à quelque chose. On parle de quoi ? Des petits copains ? Du lycée et des profs qui sont trop chiant ? »
« Si vous en avez envie. Ou nous pouvons aborder des sujets qui vous concernent. Monsieur Graham, considérez cet endroit comme un espace de libre parole. Rien ne sortira d’ici. Je ne suis pas là pour vous juger, vous dire comme mener votre vie ou porter des critiques. Si vous le souhaitez, nous pouvons commencer par le thème que vous avez proposé en premier, les relations privées »
Le médecin répond d’un petit rire. Le voilà ainsi lancé sur son sujet préféré.
« Je n’ai pas de relations amoureuses. Je trouve ça stupide et inutile. Il m’arrive de sortir avec des gens mais, uniquement pour le sexe »
« Avez-vous une de ces relations en ce moment ? »
« Plus ou moins, il y a ce gars, Andrew que je vois plusieurs fois par semaines. Et une fille, Lydia que je vois un peu moins souvent. Elle est du genre collant mais, elle ne donne plus de nouvelles depuis que j’ai demandé à partager l’addition à la pizzeria. L’autre elle croyait que c’était un rencard romantique. Et Andrew est plus cool, on est sur la même longueur d’onde. Il est en couple et son mec est jaloux donc je vais me faire casser la gueule »
« Cette situation vous inquiètes ? »
« Non »
La réponse a le mérite d’être claire.
« Vous n’avez jamais eu de relations sentimentales ? Au lycée par exemple ? »
« Non. Le lycée m’ennuyait. Les profs étaient cons, les élèves stupides. Et, j’ai sauté plusieurs années donc, j’avais 3 ans de différence avec les autres de ma classe. »
« Qu’est-ce que ça faisait d’être ainsi propulsé dans des années supérieures ? »
« Oh c’était bien. Ca voulait dire que j’allais passer moins de temps là. En fait, je voulais juste aller à la fac. Et si votre question est : est-ce que j’étais maltraité par les autres élèves, la réponse est non. Je corrigeais les profs, j’expliquais mieux qu’eux, ça faisait rire les autres. Une fois je dormais, le prof m’a envoyé au tableau pour m’humilier. J’ai récité l’entièreté de sa matière devant tout le monde. C’est lui qui s’est fait humilier. Je me suis pris une retenue mais, tous les élèves m’ont applaudi. Je défie le stéréotype du petit génie maltraité »
« Le lycée est souvent une période dont les gens veulent parler. Je vois que vous en avez un bon souvenir »
« Ouais, mais c’est surtout l’université que j’ai adorée. C’était tellement stimulant, intéressant. Même si j’étais plus jeune, je m’y suis vraiment senti comme chez moi. J’étais même premier de ma promotion. Mais c’est fini et maintenant je suis dans la vie réelle. »
« Cette période vous manque ? »
« Un peu mais, je considère que c’est un chapitre terminé. J’ai autre chose à faire désormais. Et puis, rien ne m’empêche de me taper des étudiants et de surveiller la littérature scientifique »
Au final, Maxwell passe l’heure à parler de lui. Son égo est satisfait et il n’aborde pas une seule fois la maladie qui plane sur sa lignée. Il décrit toute l’apathie qu’il a pour le genre humain ainsi que sa catégorisation entre les gens qu’il juge intéressants et ceux qui ne devraient même pas avoir le droit de parler. Quant à la spécialiste, elle apprécie ce patient et ses notes prennent plusieurs pages. D’autres ne tarderont pas à les rejoindre.
Sans s’en rendre compte, le médecin a révélé plusieurs choses le concernant. Qu’il est moins à l’aise avec la maladie qu’il le dit à sa mère, qu’il l’aime énormément et n’ose pas lui désobéir. Aussi qu’il a une haute estime de lui-même et considère les gens comme un bon moyen de lustrer son égo et comme des objets pour son plaisir personnel. De la même façon, son manque de maturité sentimentale est flagrante. Il a aussi démontré sa passion pour les sciences et l'apprentissage. Ces prémisses promettent une personnalité toute en relief.